L'été 2025 marque un tournant : Rennes limite désormais les piscines privées à 25 m³ maximum, une première en France qui révèle la fragilité nouvelle des ressources hydriques bretonnes. Cette mesure discrète mais symbolique s'inscrit dans une tendance réglementaire plus large, alors que le poids environnemental des 3 millions de piscines françaises interroge de plus en plus. Au-delà du cas rennais, c'est tout un modèle de confort individuel qui vacille face aux impératifs climatiques. Entre contrainte et opportunité, cette décision annonce-t-elle une bascule plus profonde dans nos usages résidentiels ?
Rennes fixe un nouveau cadre
Depuis juillet 2025, les habitants des 42 communes de Rennes Métropole ne peuvent plus construire de piscines excédant 25 m³. Cette décision vise à préserver les ressources en eau, alors que la Bretagne, longtemps épargnée, fait désormais face à des épisodes de sécheresse prolongés (1). D’après les estimations, la métropole rennaise compte entre 2 000 et 3 000 piscines privées.
Ce plafonnement ne remet pas en cause les installations existantes, mais il modifie nettement les perspectives pour les futurs propriétaires. Pour les professionnels du secteur, comme le souligne un gérant local interrogé par RTL, cette règle réduit considérablement le marché, puisque la moitié des projets en cours concernait des piscines supérieures à cette capacité.
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Une tendance réglementaire qui se généralise
Au-delà du cas rennais, plusieurs territoires français adoptent des restrictions temporaires ou permanentes sur l’usage de l’eau pour les piscines. En période de crise hydrique, le remplissage peut être restreint voire interdit, sous peine d’amende pouvant atteindre 1 500 euros.
En réponse aux préoccupations environnementales croissantes et à la nécessité de préserver les ressources en eau, une nouvelle norme environnementale, la NF EN 17645, a été mise en place en Europe en 2023.
Son objectif est de définir une classification environnementale globale pour le secteur de la piscine à l'aide de pictogrammes afin de :
- guider les consommateurs, toujours plus exigeants, vers des équipements plus écoresponsables ;
- rendre plus vertueuse la démarche environnementale du secteur.
Les pictogrammes permettent ainsi d'identifier les performances environnementales des divers équipements et produits de piscine à l'aide de lettres allant de A à F, et peuvent donner un classement global de la piscine dans son ensemble. Cela concerne :
- les équipements basiques : bassin, traitement de l'eau, éclairage, filtration et nettoyage.
- la couverture et la pompe à chaleur, qui feront l'objet d'une notation individuelle non incluse dans la note globale.
Le poids environnemental d’une piscine
L’empreinte écologique d’une piscine dépend de plusieurs paramètres : la taille du bassin, la méthode de chauffage, le temps d’utilisation annuel, le type de filtration, etc. À titre d’exemple, une piscine bétonnée de 32 m² utilisée 6 mois par an, chauffée et traitée au chlore, peut générer jusqu’à 3 tonnes de CO2 par an (2). Cette donnée comprend la phase de construction, le fonctionnement au quotidien, mais aussi les consommables.
Au-delà du climat, la pression sur les nappes phréatiques, l’artificialisation des sols, et les produits d’entretien chimiques posent également question. Des alternatives comme les piscines naturelles ou les bassins sans chauffage limitent ces effets, mais restent minoritaires.
Les limites du modèle individuel
Avec plus de 3 millions de piscines privées, dont une part importante dans le sud-est de la France, le pays se place comme le deuxième plus grand parc mondial après les États-Unis (1). Cet engouement, accentué par les épisodes caniculaires à répétition, traduit une aspiration croissante à un certain confort domestique. Pourtant, cette généralisation soulève des questions de justice environnementale et sociale.
La piscine individuelle engendre des consommations importantes de ressources, en particulier l’eau, l’énergie et les matériaux de construction. À cela s’ajoute la nécessité d’utiliser régulièrement des produits d’entretien chimiques pour maintenir la qualité de l’eau.
Le chauffage, notamment par pompe à chaleur, représente une autre part non négligeable de l’empreinte carbone. Selon les estimations, une piscine chauffée et utilisée 6 mois par an peut représenter une consommation annuelle de 1 500 kWh uniquement pour le maintien de la température (1).
En parallèle, l’empreinte écologique s’étend à la phase de construction : artificialisation des sols, utilisation de béton, et installation de locaux techniques ou de plages carrelées contribuant à imperméabiliser les terrains. À l’heure où la loi française vise une réduction nette de l’artificialisation, ce type d’équipement peut sembler en décalage avec les objectifs publics.
Vers des solutions collectives
Certains experts et citoyens militent pour une réorientation vers des solutions plus collectives ou mutualisées. Parmi les alternatives évoquées :
-
le partage des piscines entre foyers dans un même quartier ;
-
le développement de bassins municipaux, plus sobres en ressources pour un plus grand nombre ;
-
ou encore la reconversion de bassins privés en espaces utiles à la gestion de l’eau, comme des réservoirs d’eaux pluviales ou des zones végétalisées.
D’autres pistes proposent d’évoluer vers des piscines naturelles, filtrées par des plantes et sans ajout de chlore, ou de limiter leur usage à des périodes très restreintes, pour en réduire l’empreinte. Des technologies comme les couvertures thermiques, les panneaux solaires pour la pompe ou les systèmes de filtration économes sont déjà accessibles, mais restent encore peu généralisées (2).
Finalement, dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau et de nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le modèle de la piscine individuelle interroge. Non pas en tant que confort de vie, mais par son adéquation aux enjeux climatiques actuels. Le débat ne vise pas à stigmatiser les usagers, mais à encourager des choix plus sobres, mieux intégrés dans leur environnement, et davantage tournés vers le collectif.
À l’image des panneaux solaires, la piscine individuelle cristallise les contradictions entre confort privé et préservation des biens communs. En 2025, le sujet n’est plus uniquement technique : il touche aux modes de vie, à l’aménagement du territoire et aux politiques locales d’adaptation.
La décision rennaise ouvre ainsi un nouveau chapitre. Pas forcément celui de l’interdiction, mais d’un redimensionnement raisonné, qui prend en compte la capacité du territoire à accueillir de tels usages. D'autres métropoles pourraient suivre, avec des logiques propres à leur climat et à leur disponibilité en eau.
(1) RTL, « Rennes devient la première à limiter la taille des piscines privées », juillet 2025
(2) Bon Pote, « Impact écologique d’une piscine individuelle », juin 2024