Les bambous traçants séduisent par leur feuillage dense et leur allure exotique, mais ils peuvent vite coloniser un jardin… et même celui du voisin. Nos experts détaillent les méthodes les plus fiables pour limiter leur propagation ou les éliminer.
Comprendre le problème des bambous traçants
Tous les bambous n’ont pas le même comportement. Les variétés non traçantes (Fargesia) forment des touffes compactes qui restent localisées. À l’inverse, les variétés traçantes (Phyllostachys) possèdent des rhizomes souterrains qui s’étendent sur plusieurs mètres et produisent chaque année de nouveaux turions. Un simple fragment de rhizome peut suffire à relancer une colonie.
Risques d'une invasion de bambou non maîtrisé
Une invasion de bambou peut causer des dégâts structurels importants (fissuration des fondations, soulèvement des dallages, infiltration dans les canalisations) et générer de coûteux conflits de voisinage pouvant aller jusqu'aux tribunaux.
Le bambou traçant appauvrit la biodiversité en éliminant la végétation locale, crée un monopole végétal inesthétique et peut diminuer la valeur immobilière des propriétés concernées.
L'éradication représente un investissement lourd (15 à 50 €/m²) et un travail pénible sur plusieurs années, d'où l'importance de privilégier la prévention dès la plantation plutôt que de subir ces conséquences durables.
La solution pour éliminer un bambou déjà implanté
Éliminer un bambou établi est un processus long qui peut s'étaler sur 2 à 3 ans. Plusieurs techniques se complètent, mais toutes demandent patience et régularité :
Couper les cannes au ras du sol
- Quand ? Idéalement en début de printemps (mars-avril), lorsque la sève monte et que la plante puise dans ses réserves pour produire de nouvelles pousses. Une seconde coupe en automne peut renforcer l'affaiblissement.
- Comment ? Utilisez une scie égoïne, un sécateur de force ou une tronçonneuse pour les gros diamètres. Coupez à 2-3 cm du sol pour éviter que l'eau stagne dans les chaumes creux.
- Pourquoi ? Cette coupe prive les rhizomes de la photosynthèse, les forçant à puiser dans leurs réserves souterraines.
Arracher les rhizomes
- Les outils nécessaires : pioche, bêche tranchante, scie à métaux pour sectionner les rhizomes épais, ou mini-pelle pour de grandes surfaces (location à prévoir).
- La technique : creusez en suivant les rhizomes, généralement situés entre 20 et 40 cm de profondeur. Les rhizomes de bambou sont facilement reconnaissables : épais, segmentés, avec des bourgeons visibles.
- L'objectif : retirer la totalité du réseau souterrain. Un fragment de rhizome oublié peut régénérer toute la plantation.
- Le conseil : travaillez par zones progressives plutôt que de disperser l'effort sur toute la surface.
Surveiller et supprimer chaque nouveau turion
- La fréquence : inspection hebdomadaire d'avril à juin, période de pousse maximale.
- La méthode : suppression manuelle des jeunes pousses (turions) dès leur apparition, ou passage de tondeuse sur les zones accessibles.
- Le principe : chaque turion supprimé épuise davantage les réserves des rhizomes restants. Cette étape est cruciale car elle détermine le succès à long terme.
Recouvrir d'une bâche opaque
- Le matériel : une bâche plastique noire épaisse (200 microns minimum) ou toile géotextile opaque.
- L'installation : recouvrement total de la zone, maintenu par des poids ou des agrafes. Prévoir un débordement de 50 cm autour de la zone infestée. Durée : 18 à 24 mois minimum pour un épuisement complet des rhizomes.
- Le mécanisme : la privation de lumière empêche la photosynthèse, tandis que l'effet de serre accélère la décomposition des rhizomes affaiblis.
Utiliser l'arrosage avant extraction
- La technique : arroser abondamment 2 à 3 jours avant l'extraction manuelle.
- Les avantages : le sol humidifié facilite le déracinement, les rhizomes se détachent mieux de la terre, et on évite de les casser lors de l'extraction.
- Le timing : particulièrement efficace au printemps quand le sol commence à se réchauffer.
Méthodes combinées et planning
- Année 1 : coupe des cannes + arrachage maximum des rhizomes + pose de bâche sur les zones difficiles.
- Année 2 : surveillance intense et suppression systématique des repousses + arrachage des rhizomes restants.
- Année 3 : surveillance réduite mais maintenue, élimination des dernières pousses isolées.
À éviter absolument
Les désherbants chimiques, le vinaigre ou le sel sont déconseillés : inefficaces sur les rhizomes profonds, ils détruisent la vie microbienne du sol et peuvent contaminer les nappes phréatiques. Le glyphosate, même s'il peut avoir un effet sur les parties aériennes, ne descend pas suffisamment dans les rhizomes pour les éliminer totalement.
Point clé : La régularité prime sur l'intensité. Mieux vaut consacrer 30 minutes par semaine pendant 2 ans qu'une journée entière une fois par mois.
Solutions préventives pour éviter la propagation
Lorsqu’on souhaite planter du bambou sans risque d’invasion, plusieurs précautions sont utiles :
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Installer une barrière anti-rhizomes : en polyéthylène haute densité (HDPE), de 60 à 100 cm de profondeur, avec une partie dépassant de 5 à 10 cm du sol. L’épaisseur peut varier de 0,5 à 2 mm selon la pression attendue des rhizomes.
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Creuser une tranchée : environ 60 cm de profondeur et 40 à 60 cm de largeur, entretenue chaque année pour couper les rhizomes qui cherchent à passer.
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Choisir des variétés non traçantes : comme Fargesia murielae ‘Bimbo’ ou Fargesia scabrida, qui restent en touffes.
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Planter en pot ou en bac : une alternative simple pour un jardin de petite taille.
Quand les bambous viennent du voisin
Les bambous peuvent aussi devenir source de tensions entre voisins. Si les rhizomes passent sous la clôture, plusieurs acteurs peuvent intervenir selon la situation :
La tranchée anti-rhizomes reste la solution la plus fiable. Elle coupe l'alimentation des rhizomes en provenance de la plante mère. Vous pouvez la réaliser vous-même si vous disposez des outils nécessaires (bêche, scie ou coupe-racines), en creusant une tranchée de 60 à 80 cm de profondeur le long de la limite de propriété. Pour des plantations importantes ou des terrains difficiles, faire appel à un paysagiste ou à une entreprise de terrassement peut s'avérer plus efficace, notamment si l'utilisation d'une mini-pelle est nécessaire.
En complément, les jeunes pousses qui émergent sur votre terrain doivent être éliminées pour épuiser la racine isolée. Cette tâche vous incombe et doit être effectuée régulièrement dès l'apparition des pousses, idéalement au printemps.
Une barrière anti-rhizomes peut également être posée, mais elle nécessite une installation précise et un suivi régulier. Un professionnel (paysagiste ou jardinier spécialisé) est recommandé pour garantir une pose correcte : la barrière doit descendre à 70 cm minimum et remonter légèrement en surface pour éviter tout contournement.
Un travail sur le long terme
Selon la surface et l’ancienneté de la plantation, la lutte contre un bambou envahissant peut durer deux à trois ans avant de voir les rhizomes totalement épuisés. La vigilance reste ensuite de mise : la moindre repousse doit être supprimée rapidement pour éviter un nouveau départ.